Au fil de l’oeuvre de Sheila Hicks

Toute sa vie d’artiste, elle va s’évertuer à faire connaître le textile en tant qu’art majeur, à mettre en forme la couleur. Les Lignes de vie de Sheila Hicks sont à voir au Centre Pompidou jusqu’au 30 avril 2018.

Ou plutôt, dirais-je, sont à ressentir, à appréhender, sans forcément les apprivoiser. C’est une exposition sensorielle, dont il faut apprécier la monumentalité in situ. En effet, les installations, les éléments modulaires et autres sculptures feront-ils vibrer votre fibre « textile » comme ils ont fait vibrer la mienne?

Je reconnais qu’un an plus tôt cette rétrospective m’aurait peut-être laissée indifférente. Mes maigres et lointains souvenirs d’un art vaguement textile invoquaient uniquement Annette Messager (pardonnez ce raccourci). Mais depuis quelques mois, je me suis mise à la broderie et j’avais donc, lors de ma visite, un oeil différent et un peu plus ouvert.

Alors sans cette affinité personnelle, serais-je complètement passée à côté de cette expo? Comme cette visiteuse que j’ai croisée et que j’ai entendue s’écrier : « Ça ne me fait rien du tout ! » Affaire de goûts et de sensibilité sans doute.

Néanmoins j’ai aussi aimé le côté féminin de ces oeuvres : un univers feutré, cosy, volontiers régressif, ouaté comme un cocon.

La Sentinelle de Safran

Les lianes de Beauvais

L’ouvrage est façonné patiemment, à un rythme qu’on ne peut accélérer. Un travail laborieux, réalisé point par point, qui n’est pas sans rappeler celui de la matrice féminine qui tisse les tissus organiques d’un nouvel être, cellule après cellule. D’ailleurs, en décrivant son cheminement créatif, Sheila Hicks déclarait vouloir « devenir une avec son travail » (« Become one with my work »), comme faire corps avec son oeuvre.

Il y a par ailleurs quelque chose de profondément organique dans ses sculptures. Les boules ficelées m’ont rappelé les pelotes de chouette, les galets, oursins ou encore boules de posidonies.

 

Les écheveaux, colonnes et torsades font écho à des éléments naturels (Lianes nantaises, Cascade turquoise, Vague verte).

Ou bien ils évoquent le crin, les cheveux, boyaux ou coiffures tribales (Menhir).

 

Au sein de l’exposition, toute une série de documentaires sur l’oeuvre de l’artiste est projetée. Ces petits films valent vraiment la peine de s’y arrêter car ils apportent un éclairage intéressant sur les mystères de SA création. Hicks s’est, par exemple, inspirée des arches et des couleurs pâles des rues traversées lors de son voyage au Maroc, pour ses tapis de prière (Moroccan Prayer Rug et Prayer Rug).

Le motif de tortillon qui l’a suivie toute sa vie remonte à ses premiers séjours en Inde. La verticalité de ses colonnes/piliers sont à rapprocher des maisons sur pilotis de son séjour au Chili.

Il y a enfin une dimension poétique à ces oeuvres. Elles nous reconnectent à un art séculaire, à des activités simples et quotidiennes, qui ont toujours accompagné les hommes depuis la nuit des temps : pêcher, prier, tisser…

Pêcher dans la rivière

Valencia Ehrhart

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